Guy de Larigaudie est une figure emblématique du scoutisme français, connu comme le "routier de légende" des Scouts de France. Né en 1908 et mort héroïquement au combat en 1940, sa vie courte mais intense a profondément marqué le mouvement scout.
Caractérisé par "un sourire permanent, un optimisme à toute épreuve, une foi à soulever les montagnes", Guy de Larigaudie a laissé une empreinte durable dans l'imaginaire et les pratiques du scoutisme. Son parcours, mêlant aventures, voyages, écriture et engagement spirituel, continue d'inspirer les générations de scouts qui lui ont succédé.
Ses écrits, comprenant des romans, des récits de voyage et des réflexions spirituelles, sont toujours lus et appréciés. Ils continuent d'influencer chefs et cheftaines, routiers et guides-aînées au sein du mouvement scout.
La vie de Guy de Larigaudie, bien que brève, illustre les idéaux du scoutisme : le service, l'aventure, la foi et le don de soi. Son histoire, de son enfance heureuse à sa mort au combat, en passant par ses voyages extraordinaires, incarne l'esprit scout dans toute sa plénitude.
Guillaume Boulle de Larigaudie, plus connu sous le nom de Guy, est né le 18 janvier 1908 à Paris, dans le IXe arrondissement. Il est le deuxième enfant de Jean-Jacques Boulle de Larigaudie et d'Henriette Glady, après sa sœur Marie-Thérèse, surnommée Maïté.
Les Larigaudie sont originaires du Ribéracois en Périgord. Leurs ancêtres appartenaient à la petite notabilité de province, occupant des fonctions telles que propriétaires, notaires, juges de paix, représentants de commerce et maires de Saint-Martin-de-Ribérac. Le père de Guy travaillait comme assureur à Paris.
L'enfance de Guy est marquée par les séjours estivaux dans la propriété familiale des Gérauds, à Saint-Martin-de-Ribérac. Cette maison, qu'il décrit comme "une maison de style Louis XIII en un coin de terre périgourdine", a profondément influencé sa jeunesse. Il en parle avec affection dans son ouvrage "Étoile au grand large" : "Elle forma ma jeunesse, fut la joie de existence vagabonde, le havre de stabilité et de paix retrouvé avec amour après chaque voyage". Pendant la Première Guerre mondiale, de 1914 à 1919, Guy et sa sœur s'installent aux Gérauds. Ces années en Périgord sont pour lui une période de liberté et d'aventures d'enfant, qu'il évoquera plus tard dans ses écrits.
Le retour à Paris en 1919, en pleine épidémie de grippe espagnole, affecte la santé de Guy. Il devient souvent malade et doit régulièrement se reposer à la campagne ou au bord de la mer. Malgré cela, il continue à jouer et à s'aventurer dès que possible.
À Paris, Guy étudie d'abord chez les oratoriens du collège de Rocroy-Saint-Léon, puis au collège de la rue de Madrid où il passe ses deux baccalauréats. C'est dans ce dernier établissement qu'il découvre le scoutisme, rejoignant la troupe 12e Paris Bayard (paroisse Saint-Augustin). Il prononce sa promesse scout le 30 mars 1924 devant son chef de troupe Hubert Verley, une figure importante des Scouts de France. Plus tard, il reçoit le totem scout de "Panthère au grand soleil".
Cette période de formation, entre Paris et le Périgord, entre études et scoutisme, forge le caractère de Guy de Larigaudie et pose les bases de sa future vie d'aventure et d'engagement.
L'adolescence et le début de l'âge adulte de Guy de Larigaudie sont marqués par une quête de vocation et une série d'engagements variés. Très pieux depuis son enfance, Guy s'intéresse aux missions à l'âge de 14 ans. Il envisage alors de rejoindre les Pères du Saint-Esprit, les Spiritains, pour servir Dieu et les hommes en Afrique ou aux Amériques.
Cependant, le doute s'installe et sur les conseils de son directeur de conscience, il décide de faire une année de discernement au séminaire d'Issy-les-Moulineaux. Il y entre en 1926, à l'âge de 18 ans. Mais l'expérience n'est pas concluante. Guy se sent à l'étroit et, miné par ses soucis de santé, il quitte le séminaire en 1928 après deux ans d'études.
Fatigué et toujours malade, il part en convalescence à Villard-de-Lans dans le massif du Vercors. C'est là qu'il découvre le ski, qui agit sur sa santé comme une véritable thérapie. Cette passion pour le ski le conduira plus tard à écrire un ouvrage intitulé "La légende du ski" en 1939.
En octobre 1930, Guy est incorporé au 6e régiment de cuirassiers à Verdun. Il se porte volontaire pour le peloton des élèves officiers de réserve et rejoint le 9e régiment de dragons à Épernay (dans la Marne). Malgré son échec à l'examen d'entrée à Saumur, il prend goût à la vie militaire et envisage même d'en faire sa carrière.
Cependant, ses projets changent à nouveau. Il demande sa mutation à Paris pour poursuivre des études de droit à l'Institut catholique pendant son service militaire. Libéré en décembre 1931, il se retrouve civil et sans le sou, ne sachant que faire de son avenir.
Cette période d'incertitude est marquée par une succession de petits boulots et de projets divers : il écrit des articles pour l'agence Havas, envisage de passer des concours, de devenir formateur au camp-école de Chamarande, de partir travailler en Angleterre, de garder des troupeaux de chevaux en Argentine, et rêve aussi d'une carrière littéraire.
C'est finalement le scoutisme qui lui offre une direction. Guy y consacre la plupart de son temps libre, d'abord comme assistant puis comme scoutmestre. Cette implication croissante dans le mouvement scout va façonner son avenir et lui ouvrir de nouvelles perspectives, notamment dans l'écriture et l'aventure.
La carrière littéraire de Guy de Larigaudie débute véritablement grâce au scoutisme. Maurice de Lansaye, directeur de la revue Le Scout de France, lui propose d'écrire pour la publication. C'est le début d'une aventure littéraire qui va marquer le genre du roman scout.
Son premier écrit n'est pas à proprement parler un roman scout, mais un roman préhistorique intitulé "Yug" (anagramme de Guy). Publié d'abord en feuilleton dans Le Scout de France à partir de février 1933, il raconte les aventures d'un garçon sans clan et sa lutte pour la vie dans une nature hostile. Guy avait été très marqué par le livre de J. H. Rosny aîné, "La guerre du feu". L'histoire de Yug, mise en valeur par les dessins de Pierre Joubert, connaît un beau succès auprès des lecteurs et le roman est toujours réédité aujourd'hui, ainsi que sa suite "Yug en terres inconnues" (1938).
Les autres romans de Guy de Larigaudie suivent rapidement :
Ce sont tous des romans scouts racontant l'amitié entre un animal sauvage et des garçons en pleine nature. La particularité des romans de Guy de Larigaudie est de donner une large place aux animaux.
Ces romans paraissent pour la plupart dans la revue Le Scout de France, renommée Scout en 1934, à laquelle Guy donne aussi des contes et plus tard le récit de ses voyages. Cette revue est une véritable pépinière de jeunes talents, réunissant des écrivains comme Paul Coze, Pierre Delsuc, Maurice de Lansaye, Georges Cerbelaud-Salagnac, Jean-Louis Foncine, les dessinateurs Pierre Joubert, Sven Sainderichin, et les photographes Jos Le Doaré et Robert Manson.
Le style de Guy de Larigaudie se caractérise par sa simplicité, son sens de l'aventure et sa capacité à transmettre les valeurs scoutes à travers ses histoires. Ses récits mettent en scène des jeunes gens courageux, débrouillards, confrontés à la nature et à des défis qui les font grandir.
En plus de ses romans, Guy de Larigaudie écrit également des récits de voyage qui connaissent un grand succès. Son premier livre de voyage, "Vingt scouts autour du monde", relate son expédition au jamboree national australien de Frankstone en 1934. Il publie ensuite "Par trois routes américaines" en 1937 et "Résonance du sud" en 1938, sur un voyage en Polynésie.
L'écriture devient ainsi pour Guy de Larigaudie non seulement un moyen d'expression, mais aussi une façon de partager ses aventures et de transmettre les valeurs du scoutisme à un large public. Son succès littéraire contribue grandement à sa notoriété au sein du mouvement scout et au-delà.
La soif d'aventure de Guy de Larigaudie se manifeste dès ses premiers cachets d'écrivain. En décembre 1933, il part faire du ski au Tyrol, puis en juillet 1934, il s'adonne au canoë sur les lacs du Norfolk Broads dans l'est de l'Angleterre.
Mais c'est en 1934 que commence véritablement sa carrière d'aventurier. Sélectionné pour représenter la France au jamboree national australien de Frankstone, il entreprend un voyage de quatre mois autour du monde. L'itinéraire passe par Naples, Port-Saïd, Suez, le golfe d'Aden, Colombo, l'Australie, et le retour se fait par la Polynésie, l'Amérique et les Antilles. Au jamboree, il apprend le maniement du fouet australien, dont il fera une spécialité. Baden-Powell lui-même visite le camp français et félicite la petite délégation.
Cette expédition donne naissance à son premier livre de voyage, "Vingt scouts autour du monde", qui se termine par cette profession de foi : "Un seul mot, plus tenace, chante encore en moi : repartir." Guy a trouvé sa voie : voyager, découvrir et écrire.
Son succès grandissant lui ouvre de nouvelles portes. L'éditeur Desclée de Brouwer lui commande un deuxième récit de voyage sur l'Amérique, qui deviendra "Par trois routes américaines" en 1937. Il publie ensuite chez Plon "Résonance du sud" en 1938, sur un voyage en Polynésie. En 1937, il fait également partie des fondateurs du Club des explorateurs et des voyageurs.
Mais le plus célèbre des voyages de Larigaudie reste le raid Paris-Saïgon en automobile, qui lui vaut son surnom de "routier de légende".
Contrairement aux exploits aériens de l'époque, Guy choisit de réaliser la première liaison totalement terrestre entre la France et l'Indochine.
Après des mois de préparation et de recherche de sponsors, Guy de Larigaudie et son compagnon Roger Drapier achètent une Ford 19 CV décapotable d'occasion, qu'ils baptisent "Jeannette". Le 7 août 1937, ils partent du jamboree international en Hollande, bénis par le R.P. Forestier et acclamés par des milliers de scouts et de guides.
Pendant dix mois, les deux routiers scouts de France, en culotte courte, chemise, foulard et chapeau quatre bosses, parcourent des milliers de kilomètres. Leur itinéraire les mène à travers la Suisse, l'Autriche, la Hongrie, la Yougoslavie, la Bulgarie, la Turquie, la Syrie, le Liban, la Palestine, l'Irak, l'Iran, l'Afghanistan, les Indes, la Birmanie, le Siam, le Laos, le Tonkin, l'Annam et la Cochinchine.
Leur périple est jalonné d'anecdotes et d'aventures : ils se baignent dans le lac de Tibériade, prient à Jérusalem et Nazareth, sont reçus par des émirs et des cheikhs en Syrie, obtiennent la fourragère du 1er régiment de la légion étrangère à Palmyre, sont présentés au vice-roi des Indes, logent chez le frère du roi en Afghanistan, traversent plaines, déserts, forêts et jungles, franchissent les bouches du Gange et la chaîne birmane.
Malgré les nombreuses difficultés mécaniques, "Jeannette" tient bon. Guy et Roger surmontent tous les obstacles avec le sourire, guidés par leur foi et la récitation quotidienne du chapelet.
Enfin, début mars 1938, ils arrivent triomphalement en Indochine française. Leur raid est un succès retentissant. De retour à Paris en juin 1938, Guy multiplie conférences, réunions publiques et soirées mondaines, tout en rêvant déjà de nouveaux raids, cette fois en avion.
La spiritualité et les idéaux scouts sont au cœur de la vie de Guy de Larigaudie. Dès son enfance, il se montre très pieux, fervent et attaché aux sacrements. Il aime servir la messe, se confesser et communier fréquemment. Ces habitudes pieuses ne le quitteront jamais. Sa foi profonde se manifeste dans tous les aspects de sa vie, que ce soit dans ses engagements scouts, ses voyages ou ses écrits. Elle est le moteur de son optimisme et de sa joie de vivre, caractéristiques qui lui valent l'admiration de ses pairs.
En 1943, après sa mort, sa famille publie un recueil de notes et de réflexions intitulé "Étoile au grand large". Cet ouvrage, qui connaît un succès non démenti depuis sa publication, révèle la profondeur de sa spiritualité et la simplicité de sa foi. On y trouve des pensées touchantes et d'une spiritualité profonde, qui continuent d'inspirer de nombreux lecteurs. Parmi ces réflexions, on peut citer :
Ces pensées reflètent la vision de Guy de Larigaudie d'une spiritualité incarnée dans le quotidien, alliant simplicité, amour de Dieu et respect de la création. Elles témoignent également de son idéal scout, mêlant foi, service et joie de vivre.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate en septembre 1939, Guy de Larigaudie rejoint le 11e cuirassiers au quartier Dupleix à Paris en tant que maréchal des logis. Il commande une dizaine d'hommes qu'il décrit comme des "paysans ou titis parisiens".
Pendant la "drôle de guerre", il est stationné à Émancé, près de Rambouillet, où il reçoit l'ordre de monter un Foyer du soldat. Cependant, l'inaction et l'ennui lui pèsent. Il écrit : "Nous étions partis avec un bel enthousiasme à froid et la volonté de nous battre, et nous sommes quelques centaines de mille condamnés à la stagnation et à l'ennui. C'est au fond plus difficile que de se faire casser la figure."
Fin décembre 1939, Guy se porte volontaire pour le 25e Groupement de reconnaissance de corps d'armée (GRCA) en formation à Rambouillet, sous le commandement du lieutenant-colonel François-Xavier Lesage. L'unité monte au front le 1er mars 1940 et s'installe en Champagne, au nord-ouest de Reims. Guy est affecté au 2e escadron à cheval du capitaine Naud et cantonne à Cauroy-lès-Hermonville. Malgré l'attente, il garde espoir et continue à rêver de nouveaux voyages et projets pour l'après-guerre.
Le 10 mai 1940, la Wehrmacht attaque sur tout le front. Le 25e GRCA reçoit l'ordre de bloquer l'attaque terrestre simultanément en Belgique et au Luxembourg. L'escadron de Guy a pour mission de déborder par le nord. Les combats sont intenses et les pertes importantes. Le 11 mai, l'escadron Naud doit tenir le bois de Musson. Les bombardements s'intensifient et les Allemands sont partout. C'est lors de ces combats, vers 21 heures, que le maréchal des logis Guy de Larigaudie trouve la mort, ainsi que quatre des cavaliers de son groupe. Les soldats allemands saluèrent leurs dépouilles avant de les enterrer sur place. Le corps de Guy fut d'abord inhumé à Musson, puis plus tard transféré à Saint-Martin-de-Ribérac, dans son Périgord natal qu'il aimait tant.
La mort héroïque de Guy de Larigaudie, à l'âge de 32 ans, vient clore une vie brève mais intense, entièrement consacrée à ses idéaux scouts et à sa foi. Comme il l'avait dit lors de sa dernière visite à sa famille : "Si je meurs, il ne faudra pas me pleurer."